Chroniques d’une pandémie 8

Le déconfinement ? 

« Le confinement… Les Français n’en peuvent plus. » Cela peut se comprendre.

   En raison de l’aliénation infligée par la société du spectacle  (Guy Debord) et de la communication creuse, et de la consommation-consumation et du divertissement vulgaire, et du loisir conformiste et préfabriqué, les circonstances pandémiques sont terriblement exténuantes pour le citoyen lambda. Etre bloqué chez soi quand on n’est plus habitué à la méditation, au recueillement, à la contemplation et à la culture – la vraie – doit être très-très angoissant, en effet… La frénésie des rapports sociaux superficiels et l’idéologie du travail comme unique valeur d’échange qui nous sont imposées depuis des lustres comme modèle idéal  (« Je communique et je consomme, donc je suis ») par la société post-moderne libérale a complètement oblitéré les bienfaits de la solitude comme espace-temps de réflexion, de critique et d’émergence de la sagesse…

  Sur le plan sociologique, il paraît qu’on observe un malaise croissant dans les familles. Eh bien, le malaise dans les familles a sûrement des causes. C’était donc qu’on ne s’entendait pas vraiment, qu’on ne se parlait pas, qu’on ne s’écoutait pas, qu’on ne se comprenait pas… Le confinement a dû révéler bien des hypocrisies, des supercheries, des illusions dans les couples et familles composées, recomposées & décomposées… Mais la cause, c’est, sans aucun doute aussi, la misère sociale créée par le spectre de la précarité et du chômage, le pseudo-esclavage de l’emploi sous-payé et le  parcage vertical des populations dans des banlieues marginalisées et impropres à l’épanouissement personnel, non ?

   Le confinement est d’ailleurs un révélateur exemplaire dans d’autres domaines. Son existence même, au confinement, ne serait-il pas la conséquence d’une politique d’austérité lamentable dans le domaine de la santé qui pourtant – le président Macron l’a dit – « n’a pas de prix » ? Et d’aucuns de rajouter «…,  mais elle a un coût ». Certes, la santé a un coût, mais à ne pas vouloir l’assumer avant, ce coût, le gouvernement a infligé à la société un coût cent fois plus important, celui du confinement. Nous n’aurions sans doute pas eu besoin de confiner si les hôpitaux de France et de Navarre avaient été en mesure d’absorber tous les malades du Covid 19. Autre « révélation » exprimée par l’équipe gouvernementale : il faut la reprise pour soulager d’abord les citoyens qui vivent dans le précarité et qui n’en peuvent plus. « Comment ? Des citoyens vivent dans la précarité ?  Ah bon, on ne savait pas ! »  Non, mais… Ce serait comique si ce n’était pas scandaleux.

   Alors, la question que je pose est : « Pourquoi, dans une société moderne et civilisée, des gens sont-ils dans la précarité ?  Pourquoi souffrent-ils du chômage ?  Pourquoi sont-ils contraints d’accepter des emplois de merde, dans une ambiance de merde pour un salaire de merde ? Comment cela est-il tolérable ? ». Posons la question aux gens au pouvoir, aux patrons des entreprises, aux financiers, aux décideurs objectifs… Question rhétorique… La réponse est connue, trop connue…Le capitalisme n’engendre pas le bien-être général de l’humanité, mais la misère du plus grand nombre pour le bien-être de quelques-uns.

    Et tout ce que les médias sont capables de diffuser la plupart du temps ces jours-ci, c’est : « Est-ce qu’on va pouvoir partir en vacances, aller faire bronzette sur les plages ? Est-ce qu’on va pouvoir recommencer à consommer comme des malades des produits fabriqués en Chine dont la fabrication et le transport contribuent largement à empoisonner l’air ambiant, comme le font d’ailleurs les avions des compagnies aériennes empruntés par des millions de touristes qui semblent ignorer qu’ils contribuent à la destruction de leur propre environnement ? Est-ce qu’on va pouvoir re-jouir à fond sans limites ? » Allez-allez, tournez manèges ! Taïaut !  Taïaut !

   C’est à vomir !

   Oui, le déconfinement va s’opérer. Il va avoir lieu, avec son cortège de doutes, de craintes et de foirages, avec son carnaval d’égoïsmes, d’inconscience et de goinfrerie franchouillarde. Mais, ce déconfinement risque fort d’être une déconfiture. Car, de deux choses l’une : soit le virus persiste et signe… l’arrêt de mort de plusieurs dizaines de milliers de bipèdes causants ;  soit le virus disparaît, et les civilisés pullulants vont, à coup sûr, se remettre à bousiller la planète de fond en comble… car ce serait un vrai miracle si la « communauté internationale » s’accordait pour arrêter le petit jeu de monopoly mondialisé qui est la cause première de la détérioration de notre environnement. Qui peut encore croire au miracle dans le monde cybernétisé de la bourgeoisie BC B5G, dans l’univers rationnel et amoral du capitalisme sauvage, dans le panier de crabes de la finance internationale ? Personne n’y croit et il n’aura pas lieu. C’est bien dommage vu que l’humanité est confinée sur la planète et qu’elle y est confinée pour de bon.

                                                                                              Kynos