L’humain est écartelé entre deux infinis : l’instant et l’éternité. Il veut vivre le moment même avec tout le plaisir dont il est capable et en même temps accéder à une durée qui est, pour chacun de nous, inaccessible. Au cours de son histoire, l’humanité a parfois – trop souvent – sacrifié le futur à l’instant. Pour ce faire, les hommes ont confié l’éternité à Dieu : c’est lui qui la gère et qui nous la confère. Aux hommes de vivre dans le présent pur. Mais, à d’autres moments de l’Histoire, certains ont compris que l’homme ne pouvait pas confier tout le Temps à une divinité et qu’il fallait bien que l’homme se projette lui-même dans l’avenir pour évoluer. Alors, il a inventé l’écriture : c’est par le livre que l’homme a survécu et survit encore à lui-même pour nourrir ses descendants de son savoir et de son expérience.
Or, aujourd’hui, avides de tout, tout de suite, les hommes que nous sommes avons tout misé sur la rapidité de la transmission des données en ayant recours à des supports numériques au détriment de l’imprimé-papier. La conséquence en est que notre civilisation est aujourd’hui extrêmement vulnérable : il suffirait d’une destruction imprévue des supports numériques de la planète, par une tempête solaire par exemple, pour que disparaissent la plupart des données essentielles au fonctionnement normal de notre monde économique, industriel, social et culturel.
Lorsque l’imprimerie n’existait pas, c’était le feu qui menaçait les rares manuscrits. Le livre imprimé a au moins l’avantage de résister assez bien au temps, pourvu qu’on s’en occupe un peu. Par contre, que seront devenus nos clés USB, disques durs et autres « hardwares » dans cinq siècles ? La vraie sauvegarde, c’est le signe imprimé sur un support fiable et pérenne. Y a-t-on vraiment songé ? Ou bien l’aveuglement technocratique est-il si profond que nous vivons dans l’illusion d’une sécurité de nos savoirs ? Il semble bien qu’une partie de notre conscience ait été effacée. En tout cas, notre mémoire le sera si l’on n’y prend garde !
Dr Plafond