Chroniques d’une pandémie 7

La bougeotte des insensés

   Nous n’avons plus la liberté de mouvement, mais il nous reste la liberté de penser et la liberté de parole.

   Que veut dire se déplacer dans notre société ?  Pourquoi se déplace-t-on ?  Certains se déplacent pour des raisons professionnelles et cela semble raisonnable quand il s’agit d’un déplacement indispensable et incontournable, vraiment utile. Cependant, ne peut-on pas d’admettre qu’il est abusif de se déplacer quand on peut régler le problème, conclure le marché, négocier à distance par télécommunication ?  Ne peut-on donc pas juger scandaleux de faire venir des matières premières de l’autre bout du monde pour les conditionner en Europe, puis de les renvoyer dans une autre partie du monde pour les faire fabriquer et enfin de les importer à nouveau pour les revendre dans le monde entier. Pourquoi scandaleux ? Parce que les transports maritimes et aériens coûtent cher et polluent beaucoup, beaucoup trop.

   Sinon, beaucoup de gens se déplacent aussi dans le monde entier pour aller voir ailleurs s’ils y sont  et passer quelques jours au soleil ou dans un univers exotique : c’est le tourisme de masse. Un véritable fléau, qui ne sert à rien, qui dessert l’écologie et son équilibre, qui flatte l’ego de l’individu lambda qui se fait un devoir d’exercer son droit de voyager où il veut, quand il veut et comment il veut. Certes, la liberté, c’est la liberté, y compris la liberté de mourir asphyxié, noyé ou terrassé par un virus.

   Continuez, myriades vaniteuses, d’exercer ce droit au tourisme intensif et vous aurez, en récompense, pollution, réchauffement climatique et pandémie ! L’idée que plusieurs milliards d’individus qui ont le feu aux fesses, ne tiennent pas en place et sillonnent toute la planète dans les moindres recoins a de quoi faire vomir, d’autant que plusieurs centaines de millions de gens vivent sous le seuil de pauvreté, dans la misère complète, dans le dénuement le plus affreux. D’autant que des millions de gens sont invités à voyager pour venir travailler dans d’autres pays en étant sous-payés, voire réduits à la triste condition d’esclaves. Ne pourrait-on pas se calmer, entendre raison, renoncer, oui, renoncer à trop en faire, à trop en jouir, à tout pourrir par négligence, égoïsme et indifférence.

   A l’hédonisme obscène opposons le stoïcisme digne.

   Il est indispensable, si l’on veut instaurer une sauvegarde de la planète, de faire respecter ici et partout les droits et les devoirs de l’homme. Et l’un de ces devoirs est le respect de l’autre, de la vie animale et de l’environnement. Il serait louable, afin de ne plus passer pour d’infâmes sagouins peu soucieux de l’avenir du monde, de cesser de construire des centrales nucléaires, en fait de se débarrasser de cette énergie que nous ne maîtrisons absolument pas à moyen et long terme  (Qui s’occupera des centrales nucléaires quand nous aurons disparu, car nous disparaîtrons, c’est certain !). Enfin, il faudrait réglementer la circulation des capitaux, des biens et des personnes dans la limite, tout simplement, des ressources de notre Terre… A ce stade, lecteur, tu ne cesses de répéter « Vous êtes idéaliste ! C’est impossible !  C’est utopique ! » Tu as peut-être raison, en effet, lecteur. Cela voudrait donc dire que, pendant des millénaires, nous, hommes de peu d’esprit, avons essayé d’atteindre un but qui n’était qu’un miroir aux alouettes. En effet, cette civilisation technicienne sophistiquée, cette technocratie à visage inhumain, ne mène à rien, car nous allons détruire la planète et, nous ne trouverons nulle part où aller. La probabilité de coloniser une planète habitable est si infime que c’en est risible de regarder les documentaires à la télévision. Si l’on tient compte des paramètres suivants – la vitesse de reproduction de l’espèce humaine, le potentiel des ressources planétaires restantes, le taux d’augmentation des pollutions air-terre-eau, le rythme de la  hausse des températures moyennes, la probabilité de trouver une planète habitable et la distance qui nous en sépare – , c’est simple :  nous n’avons aucune chance. Nous disparaîtrons bel et bien de et à la surface de la planète  (ou dans les sous-sols). Ceci étant dit, c’est déjà arrivé à beaucoup d’espèces dans le passé et, après tout, nous ne sommes qu’une espèce comme les autres.

   Alors, insectes fébriles, envolez-vous en vacances vers Pétaouchnock ou Katabamba si cela vous chante. Vos descendants en paieront le prix. Mais comment exiger de grands singes, fussent-ils causants et industrieux, d’envisager un avenir au-delà du jour d’après ? « Tout, tout de suite et après nous le déluge ! »…

                                                                                         Kynos

Chroniques d’une pandémie 6

Pandémie, quand tu nous tiens… enfermés

   Les jours de confinement se suivent et se ressemblent quand même beaucoup. Celles et ceux qui luttent pour sauver leurs semblables font admirablement leur devoir et se jettent à corps perdu dans un combat incertain ;  d’autres continuent à œuvrer avec courage pour que la population soit approvisionnée en produits de première nécessité ;  et la grande majorité est obligée de rester confinée, c’est-à-dire enfermée dans son habitat.
Or il y a habitat et habitat : entre la famille qui loge dans une maison de 200 m2 entourée d’un terrain de 400 m2 avec vue sur un parc, une colline ou la mer et la famille qui se tasse dans un appartement de 60m2 dans un immeuble sans balcon avec vue sur d’autres immeubles, il y a un monde, un monde, que dis-je ? une fracture sociale.
Ce que révèle la pandémie, hélas !  C’est que le système capitaliste libéral hérité du XVIIIe siècle a perpétué le vieux système d’Ancien Régime :  il vaut mieux être puissant, riche et bien logé plutôt que gueux, pauvre et à la rue. En matière de santé, le riche s’en tirera physiquement et psychologiquement mieux que le pauvre. D’ailleurs, même en situation normale, c’est le cas :  on vit bien mieux et bien plus longtemps en haut de la pyramide sociale qu’en bas.
Cependant la question posée le plus souvent aujourd’hui sur les ondes est : « Comment vit-on le confinement ? »
Assez mal, visiblement. Et pourquoi donc ?  Eh bien sans doute parce que, pour la plupart des gens, abrutis qu’ils sont par le rythme effréné de la civilisation du progrès, ce qui est nécessaire pour éviter l’angoisse, c’est d’abord le travail qui agit comme une drogue, c’est la communication instantanée avec les réseaux, c’est le divertissement procuré par les médias et c’est l’évasion que permet le déplacement dans l’espace. Sur ce dernier point, il faut préciser que la simple excursion ne suffisant plus vraiment, selon le principe du « toujours plus », c’est le dépaysement aux antipodes  (très polluant).
Le problème des êtres humains « modernes », c’est que, pour la plupart, ils n’ont plus de vie intérieure : se retrouver seul dans le silence, à ne rien faire d’autre que méditer sans coach, gourou et autres exploiteurs, est tout simplement impensable. La culture de la solitude du lettré a presque disparu. Il faut du « réseau social », déblatérer blablater et caqueter à tout bout de champ avec n’importe qui en racontant, le plus souvent, n’importe quoi…
Les vidéos des téléspectateurs transmises par les médias le prouvent :  les gens trouvent, c’est vrai, le moyen de s’occuper, mais ils ressentent l’impérieux besoin de le montrer aux autres en se filmant, comme si faire ne suffisait pas, vivre ne suffisait pas, mais que l’objectif était de crier à la cantonade : « Hé !  Regardez ce que je fais, moi ! Comment je vis, moi ! ». Cela frise le morbide, non ? L’être humain, c’est vrai est un animal social, il a besoin des autres, oui, mais dans une certaine mesure. Nul besoin quand même d’être constamment les uns avec les autres, les uns par les autres et les uns sur les autres. En ce sens, il me semble que les mieux aguerris pour vivre le confinement sont à coup sûr les penseurs et les créateurs car penser et créer sont des activités solitaires. Certes, ces actes débouchent sur la production d’artefacts que l’on peut partager avec autrui, mais plus tard. Foin du direct, on est dans le différé !  Et là, c’est le hic ! En effet, l’une des caractéristiques majeures de notre modèle de société, qui n’a rien d’exemplaire, c’est la loi du « tout, tout de suite », le culte de l’instantanéité autour de l’autel du principe de plaisir. Dogme constamment martelé par la publicité privée et la propagande gouvernementale.  L’info doit vous parvenir dans la seconde, l’objet commandé dans la journée, la pizza dans le quart d’heure, le sms instantanément ! … Alors, quand le temps soudain s’étire, n’a plus de structure, se ralentit au point qu’on le sent passer, alors, c’est le désarroi…
Désarroi, anxiété, angoisse :  telles sont les effets secondaires du confinement actuel. Il faut y ajouter la colère.
Comment peut-on, en effet, garder la tête froide, son calme et son sang-froid quand on réfléchit un tant soit peu à la vraie raison du confinement ? Le manque de… tout. Car ce confinement n’aurait pas dû avoir lieu si les gouvernements avaient fait preuve d’une prévoyance raisonnable. La communauté scientifique sait depuis quelques décennies, et l’a rappelé à de nombreuses reprises, que l’humanité était exposée aux attaques des virus et autres micro-organismes. Plusieurs épidémies se sont déjà déclarées dans certaines régions du monde depuis une dizaine d’années. Il aurait donc fallu se préparer : produire des masques, des combinaisons, du matériel de protection personnelle ;  renforcer les systèmes de santé ;  financer les hôpitaux ;  valoriser les métiers de la santé, etc. Rien n’a été fait en ce sens, au nom d’un souci de rentabilité méprisable.
Soyons clairs ! Sur le plan sanitaire, notre état général est en réalité effrayant. Que se passerait-il en cas d’attaque bactériologique ?  Que se passera-t-il quand le prochain virus sera plus virulent et moins sélectif et tuera tous les individus sans distinction de sexe, d’âge et de classe sociale ?  Ce ne sera plus une récession, non, ce sera le déclin, voire la fin de notre civilisation. D’ailleurs, comme rien n’est vraiment inouï quand il s’agit de culture humaine, le scénario a déjà été envisagé par un certain Jack London dans un roman d’anticipation qu’il a publié en 1917 La Peste écarlate.
D’aucuns, qui liront cet article, me traiteront de Cassandre… J’assume entièrement ce titre. Cassandre prédisait le malheur et – si personne ne l’a écoutée – le malheur, lui, est bien advenu.
Ce dont il faut être conscient, c’est que, aujourd’hui, nous vivons un demi-mal : le virus ne tue pas trop et pas tout le monde. Nous sommes ralentis dans nos activités et l’économie mondiale va subir une récession… Mais pourquoi diable un certain ralentissement ne serait-il pas une bonne chose ? Tant sur le plan écologique que sociétal… Pourquoi ne pas nous donner le temps de la réflexion ?  Et quand je dis « nous », je ne désigne pas que le citoyen du monde lambda confiné dans sa bicoque, son appartement ou son taudis, mais aussi, et surtout, les gouvernants, les grands patrons, les capitaines d’industrie, les lieutenants de PME, les adjudants-chefs de l’artisanat et du commerce. Non mais, c’est pas fini ce potlatch, cette orgie de production, cette danse de Saint-Guy de la consommation, cet empiffrement à outrance, ce mal des ardents de la possession ? « La reprise… La reprise … La reprise ! » qu’ils arrêtent pas de répéter en sautillant, les excités du bénéfice. Mais la reprise de quoi ?  Du bousillage de la planète ?  Ah, mais non ! Vous ne croyez pas, Mesdames et Messieurs les Humains, qu’il est temps de nous calmer un peu et de devenir raisonnables, enfin, après ce million d’années d’ « évolution » ?  Enfin ! Un peu de tenue ! C’est la dernière fois ! Après, ce sera trop tard… L’espèce humaine n’est qu’une espèce parmi les autres… L’anthropocène ? L’anthropobscène, oui…  Mais toutes les ères ont une fin… Alors, l’ère de l’homme, pfff… !

                                                                                                                         Kynos

Chroniques d’une pandémie 5

   La Terre est la proie d’une pandémie. Et ce n’est pas un poisson d’avril !
Le ciel est bleu. Des gens meurent. Le virus étend son emprise sur la planète. C’est l’inquiétude, c’est le désordre, l’impuissance… Et pendant que les pauvres des nations riches, les pauvres des nations pauvres, les nations pauvres elles-mêmes voient venir la vague de mort sans pouvoir rien faire et prennent soudain conscience qu’ils vont peut-être mourir en grand nombre, dans les pays riches, les dirigeants riches incitent leur population à rester cloîtrées, félicitent les personnels médicaux sur lesquels ils ont longtemps jeté un regard indifférent, sinon méprisant en invoquant la rentabilité dans le domaine sanitaire et prennent des mesures coercitives. Les riches dirigeants sont surtout préoccupés de la sortie de crise, du retour à la croissance, de ce qui va advenir des fortunes des uns et des autres…
Peu de gens parlent d’une vraie remise en question de notre mode de vie… Ne faudrait-il pas en finir une fois pour toutes avec cette mondialisation qui ne profitent en réalité qu’aux multinationales et aux marchés financiers ? Ne faudrait-il pas se guérir de cette hystérie de la consommation ?  Ne faudrait-il pas modérer notre appétit et respecter la nature ?  Pratiquer la symbiose au lieu de justifier la prédation ?
Le soleil brille. Partout, dans le monde, les hommes politiques qui nous dirigent montrent leur vrai visage : les uns responsables et valeureux, les autres lâches et imbéciles. Mais ce qui est certain, c’est que cette pandémie démontre à l’évidence la faillite du système libéral sauvage imposé par la pensée unique des profiteurs de tout poil.
La nuit tombe enfin. Mais l’aube viendra…
De quoi demain sera-t-il fait ? Nul ne le sait…
Espérons que l’esprit des hommes de bonne volonté s’éclairera… Sinon nous retomberons dans la nuit et il n’y aura pas de lendemain.

                                                                                               Kynos

Chroniques d’une pandémie 4

Pourquoi et comment ?

Aujourd’hui, c’est d’abord la journée des questions. Des questions qui se posent, des questions qui osent, des questions qui explosent…

Pourquoi a-t-on rapatrié les Français de l’étranger, surtout ceux de la région de Chine où sévissait l’épidémie ?
Pourquoi a-t-on autorisé les gens d’Ile-de-France – région déjà bien contaminée – à s’égayer dans toute la France pour rejoindre leur résidence secondaire et risquer de répandre le virus en province ?
Pourquoi notre capacité hospitalière est-elle si limitée ?
Pourquoi n’a-t-on pas anticipé ce genre d’épidémie ?
Pourquoi n’a-t-on pas assez d’appareils respiratoires ? Pourquoi n’a-t-on pas assez de masques de protection ? Et, surtout, pourquoi diable faut-il aller les chercher en Chine ? Pourquoi est-on incapable d’en fabriquer nous-mêmes en France ou en Europe ?
Pourquoi n’a-t-on pas testé la population comme en Allemagne ?
Pourquoi ne pas dire la vérité aux Français toujours et partout, en l’occurrence, pourquoi ne dit-on pas, d’emblée, aux Français qu’on en a pour deux mois au moins de confinement et de blocage de l’économie ?
Pourquoi l’Europe est-elle si inefficace dans la gestion de la crise ?
Comment va-t-on sortir du confinement ?
Comment nos dirigeants vont-ils se comporter quand ce sera fini ?
Comment allons-nous pouvoir vivre comme avant ?
Comment en est-on arrivé à obéir au doigt et à l’œil aux fanatiques de la croissance ?
Comment va-t-on faire pour ne pas oublier en une semaine ou deux les leçons de cette pandémie ?
Comment les publicitaires vont-ils s’y prendre pour continuer à nous convaincre d’acheter des tas de trucs dont nous n’avons pas vraiment besoin pour bien vivre ?
Comment va tata Paulette ?
Comment les gouvernements font-ils pour ignorer systématiquement ce que subissent et comment régissent les pays voisins confrontés plus tôt à l’épidémie ?
Comment est-il possible que, malgré la « merveilleuse » mondialisation, règnent sur la Terre un tel désordre et une telle désorganisation ?
Comment va la civilisation ?
Comment ça va dans nos têtes, vraiment ?
Comment ?  Vous n’allez pas changer de vie ?!   Mais enfin, pourquoi ?? ! !

Kynos