Chroniques d’une pandémie 7

La bougeotte des insensés

   Nous n’avons plus la liberté de mouvement, mais il nous reste la liberté de penser et la liberté de parole.

   Que veut dire se déplacer dans notre société ?  Pourquoi se déplace-t-on ?  Certains se déplacent pour des raisons professionnelles et cela semble raisonnable quand il s’agit d’un déplacement indispensable et incontournable, vraiment utile. Cependant, ne peut-on pas d’admettre qu’il est abusif de se déplacer quand on peut régler le problème, conclure le marché, négocier à distance par télécommunication ?  Ne peut-on donc pas juger scandaleux de faire venir des matières premières de l’autre bout du monde pour les conditionner en Europe, puis de les renvoyer dans une autre partie du monde pour les faire fabriquer et enfin de les importer à nouveau pour les revendre dans le monde entier. Pourquoi scandaleux ? Parce que les transports maritimes et aériens coûtent cher et polluent beaucoup, beaucoup trop.

   Sinon, beaucoup de gens se déplacent aussi dans le monde entier pour aller voir ailleurs s’ils y sont  et passer quelques jours au soleil ou dans un univers exotique : c’est le tourisme de masse. Un véritable fléau, qui ne sert à rien, qui dessert l’écologie et son équilibre, qui flatte l’ego de l’individu lambda qui se fait un devoir d’exercer son droit de voyager où il veut, quand il veut et comment il veut. Certes, la liberté, c’est la liberté, y compris la liberté de mourir asphyxié, noyé ou terrassé par un virus.

   Continuez, myriades vaniteuses, d’exercer ce droit au tourisme intensif et vous aurez, en récompense, pollution, réchauffement climatique et pandémie ! L’idée que plusieurs milliards d’individus qui ont le feu aux fesses, ne tiennent pas en place et sillonnent toute la planète dans les moindres recoins a de quoi faire vomir, d’autant que plusieurs centaines de millions de gens vivent sous le seuil de pauvreté, dans la misère complète, dans le dénuement le plus affreux. D’autant que des millions de gens sont invités à voyager pour venir travailler dans d’autres pays en étant sous-payés, voire réduits à la triste condition d’esclaves. Ne pourrait-on pas se calmer, entendre raison, renoncer, oui, renoncer à trop en faire, à trop en jouir, à tout pourrir par négligence, égoïsme et indifférence.

   A l’hédonisme obscène opposons le stoïcisme digne.

   Il est indispensable, si l’on veut instaurer une sauvegarde de la planète, de faire respecter ici et partout les droits et les devoirs de l’homme. Et l’un de ces devoirs est le respect de l’autre, de la vie animale et de l’environnement. Il serait louable, afin de ne plus passer pour d’infâmes sagouins peu soucieux de l’avenir du monde, de cesser de construire des centrales nucléaires, en fait de se débarrasser de cette énergie que nous ne maîtrisons absolument pas à moyen et long terme  (Qui s’occupera des centrales nucléaires quand nous aurons disparu, car nous disparaîtrons, c’est certain !). Enfin, il faudrait réglementer la circulation des capitaux, des biens et des personnes dans la limite, tout simplement, des ressources de notre Terre… A ce stade, lecteur, tu ne cesses de répéter « Vous êtes idéaliste ! C’est impossible !  C’est utopique ! » Tu as peut-être raison, en effet, lecteur. Cela voudrait donc dire que, pendant des millénaires, nous, hommes de peu d’esprit, avons essayé d’atteindre un but qui n’était qu’un miroir aux alouettes. En effet, cette civilisation technicienne sophistiquée, cette technocratie à visage inhumain, ne mène à rien, car nous allons détruire la planète et, nous ne trouverons nulle part où aller. La probabilité de coloniser une planète habitable est si infime que c’en est risible de regarder les documentaires à la télévision. Si l’on tient compte des paramètres suivants – la vitesse de reproduction de l’espèce humaine, le potentiel des ressources planétaires restantes, le taux d’augmentation des pollutions air-terre-eau, le rythme de la  hausse des températures moyennes, la probabilité de trouver une planète habitable et la distance qui nous en sépare – , c’est simple :  nous n’avons aucune chance. Nous disparaîtrons bel et bien de et à la surface de la planète  (ou dans les sous-sols). Ceci étant dit, c’est déjà arrivé à beaucoup d’espèces dans le passé et, après tout, nous ne sommes qu’une espèce comme les autres.

   Alors, insectes fébriles, envolez-vous en vacances vers Pétaouchnock ou Katabamba si cela vous chante. Vos descendants en paieront le prix. Mais comment exiger de grands singes, fussent-ils causants et industrieux, d’envisager un avenir au-delà du jour d’après ? « Tout, tout de suite et après nous le déluge ! »…

                                                                                         Kynos

Chroniques d’une pandémie 6

Pandémie, quand tu nous tiens… enfermés

   Les jours de confinement se suivent et se ressemblent quand même beaucoup. Celles et ceux qui luttent pour sauver leurs semblables font admirablement leur devoir et se jettent à corps perdu dans un combat incertain ;  d’autres continuent à œuvrer avec courage pour que la population soit approvisionnée en produits de première nécessité ;  et la grande majorité est obligée de rester confinée, c’est-à-dire enfermée dans son habitat.
Or il y a habitat et habitat : entre la famille qui loge dans une maison de 200 m2 entourée d’un terrain de 400 m2 avec vue sur un parc, une colline ou la mer et la famille qui se tasse dans un appartement de 60m2 dans un immeuble sans balcon avec vue sur d’autres immeubles, il y a un monde, un monde, que dis-je ? une fracture sociale.
Ce que révèle la pandémie, hélas !  C’est que le système capitaliste libéral hérité du XVIIIe siècle a perpétué le vieux système d’Ancien Régime :  il vaut mieux être puissant, riche et bien logé plutôt que gueux, pauvre et à la rue. En matière de santé, le riche s’en tirera physiquement et psychologiquement mieux que le pauvre. D’ailleurs, même en situation normale, c’est le cas :  on vit bien mieux et bien plus longtemps en haut de la pyramide sociale qu’en bas.
Cependant la question posée le plus souvent aujourd’hui sur les ondes est : « Comment vit-on le confinement ? »
Assez mal, visiblement. Et pourquoi donc ?  Eh bien sans doute parce que, pour la plupart des gens, abrutis qu’ils sont par le rythme effréné de la civilisation du progrès, ce qui est nécessaire pour éviter l’angoisse, c’est d’abord le travail qui agit comme une drogue, c’est la communication instantanée avec les réseaux, c’est le divertissement procuré par les médias et c’est l’évasion que permet le déplacement dans l’espace. Sur ce dernier point, il faut préciser que la simple excursion ne suffisant plus vraiment, selon le principe du « toujours plus », c’est le dépaysement aux antipodes  (très polluant).
Le problème des êtres humains « modernes », c’est que, pour la plupart, ils n’ont plus de vie intérieure : se retrouver seul dans le silence, à ne rien faire d’autre que méditer sans coach, gourou et autres exploiteurs, est tout simplement impensable. La culture de la solitude du lettré a presque disparu. Il faut du « réseau social », déblatérer blablater et caqueter à tout bout de champ avec n’importe qui en racontant, le plus souvent, n’importe quoi…
Les vidéos des téléspectateurs transmises par les médias le prouvent :  les gens trouvent, c’est vrai, le moyen de s’occuper, mais ils ressentent l’impérieux besoin de le montrer aux autres en se filmant, comme si faire ne suffisait pas, vivre ne suffisait pas, mais que l’objectif était de crier à la cantonade : « Hé !  Regardez ce que je fais, moi ! Comment je vis, moi ! ». Cela frise le morbide, non ? L’être humain, c’est vrai est un animal social, il a besoin des autres, oui, mais dans une certaine mesure. Nul besoin quand même d’être constamment les uns avec les autres, les uns par les autres et les uns sur les autres. En ce sens, il me semble que les mieux aguerris pour vivre le confinement sont à coup sûr les penseurs et les créateurs car penser et créer sont des activités solitaires. Certes, ces actes débouchent sur la production d’artefacts que l’on peut partager avec autrui, mais plus tard. Foin du direct, on est dans le différé !  Et là, c’est le hic ! En effet, l’une des caractéristiques majeures de notre modèle de société, qui n’a rien d’exemplaire, c’est la loi du « tout, tout de suite », le culte de l’instantanéité autour de l’autel du principe de plaisir. Dogme constamment martelé par la publicité privée et la propagande gouvernementale.  L’info doit vous parvenir dans la seconde, l’objet commandé dans la journée, la pizza dans le quart d’heure, le sms instantanément ! … Alors, quand le temps soudain s’étire, n’a plus de structure, se ralentit au point qu’on le sent passer, alors, c’est le désarroi…
Désarroi, anxiété, angoisse :  telles sont les effets secondaires du confinement actuel. Il faut y ajouter la colère.
Comment peut-on, en effet, garder la tête froide, son calme et son sang-froid quand on réfléchit un tant soit peu à la vraie raison du confinement ? Le manque de… tout. Car ce confinement n’aurait pas dû avoir lieu si les gouvernements avaient fait preuve d’une prévoyance raisonnable. La communauté scientifique sait depuis quelques décennies, et l’a rappelé à de nombreuses reprises, que l’humanité était exposée aux attaques des virus et autres micro-organismes. Plusieurs épidémies se sont déjà déclarées dans certaines régions du monde depuis une dizaine d’années. Il aurait donc fallu se préparer : produire des masques, des combinaisons, du matériel de protection personnelle ;  renforcer les systèmes de santé ;  financer les hôpitaux ;  valoriser les métiers de la santé, etc. Rien n’a été fait en ce sens, au nom d’un souci de rentabilité méprisable.
Soyons clairs ! Sur le plan sanitaire, notre état général est en réalité effrayant. Que se passerait-il en cas d’attaque bactériologique ?  Que se passera-t-il quand le prochain virus sera plus virulent et moins sélectif et tuera tous les individus sans distinction de sexe, d’âge et de classe sociale ?  Ce ne sera plus une récession, non, ce sera le déclin, voire la fin de notre civilisation. D’ailleurs, comme rien n’est vraiment inouï quand il s’agit de culture humaine, le scénario a déjà été envisagé par un certain Jack London dans un roman d’anticipation qu’il a publié en 1917 La Peste écarlate.
D’aucuns, qui liront cet article, me traiteront de Cassandre… J’assume entièrement ce titre. Cassandre prédisait le malheur et – si personne ne l’a écoutée – le malheur, lui, est bien advenu.
Ce dont il faut être conscient, c’est que, aujourd’hui, nous vivons un demi-mal : le virus ne tue pas trop et pas tout le monde. Nous sommes ralentis dans nos activités et l’économie mondiale va subir une récession… Mais pourquoi diable un certain ralentissement ne serait-il pas une bonne chose ? Tant sur le plan écologique que sociétal… Pourquoi ne pas nous donner le temps de la réflexion ?  Et quand je dis « nous », je ne désigne pas que le citoyen du monde lambda confiné dans sa bicoque, son appartement ou son taudis, mais aussi, et surtout, les gouvernants, les grands patrons, les capitaines d’industrie, les lieutenants de PME, les adjudants-chefs de l’artisanat et du commerce. Non mais, c’est pas fini ce potlatch, cette orgie de production, cette danse de Saint-Guy de la consommation, cet empiffrement à outrance, ce mal des ardents de la possession ? « La reprise… La reprise … La reprise ! » qu’ils arrêtent pas de répéter en sautillant, les excités du bénéfice. Mais la reprise de quoi ?  Du bousillage de la planète ?  Ah, mais non ! Vous ne croyez pas, Mesdames et Messieurs les Humains, qu’il est temps de nous calmer un peu et de devenir raisonnables, enfin, après ce million d’années d’ « évolution » ?  Enfin ! Un peu de tenue ! C’est la dernière fois ! Après, ce sera trop tard… L’espèce humaine n’est qu’une espèce parmi les autres… L’anthropocène ? L’anthropobscène, oui…  Mais toutes les ères ont une fin… Alors, l’ère de l’homme, pfff… !

                                                                                                                         Kynos

Chroniques d’une pandémie 5

   La Terre est la proie d’une pandémie. Et ce n’est pas un poisson d’avril !
Le ciel est bleu. Des gens meurent. Le virus étend son emprise sur la planète. C’est l’inquiétude, c’est le désordre, l’impuissance… Et pendant que les pauvres des nations riches, les pauvres des nations pauvres, les nations pauvres elles-mêmes voient venir la vague de mort sans pouvoir rien faire et prennent soudain conscience qu’ils vont peut-être mourir en grand nombre, dans les pays riches, les dirigeants riches incitent leur population à rester cloîtrées, félicitent les personnels médicaux sur lesquels ils ont longtemps jeté un regard indifférent, sinon méprisant en invoquant la rentabilité dans le domaine sanitaire et prennent des mesures coercitives. Les riches dirigeants sont surtout préoccupés de la sortie de crise, du retour à la croissance, de ce qui va advenir des fortunes des uns et des autres…
Peu de gens parlent d’une vraie remise en question de notre mode de vie… Ne faudrait-il pas en finir une fois pour toutes avec cette mondialisation qui ne profitent en réalité qu’aux multinationales et aux marchés financiers ? Ne faudrait-il pas se guérir de cette hystérie de la consommation ?  Ne faudrait-il pas modérer notre appétit et respecter la nature ?  Pratiquer la symbiose au lieu de justifier la prédation ?
Le soleil brille. Partout, dans le monde, les hommes politiques qui nous dirigent montrent leur vrai visage : les uns responsables et valeureux, les autres lâches et imbéciles. Mais ce qui est certain, c’est que cette pandémie démontre à l’évidence la faillite du système libéral sauvage imposé par la pensée unique des profiteurs de tout poil.
La nuit tombe enfin. Mais l’aube viendra…
De quoi demain sera-t-il fait ? Nul ne le sait…
Espérons que l’esprit des hommes de bonne volonté s’éclairera… Sinon nous retomberons dans la nuit et il n’y aura pas de lendemain.

                                                                                               Kynos

Chroniques d’une pandémie 4

Pourquoi et comment ?

Aujourd’hui, c’est d’abord la journée des questions. Des questions qui se posent, des questions qui osent, des questions qui explosent…

Pourquoi a-t-on rapatrié les Français de l’étranger, surtout ceux de la région de Chine où sévissait l’épidémie ?
Pourquoi a-t-on autorisé les gens d’Ile-de-France – région déjà bien contaminée – à s’égayer dans toute la France pour rejoindre leur résidence secondaire et risquer de répandre le virus en province ?
Pourquoi notre capacité hospitalière est-elle si limitée ?
Pourquoi n’a-t-on pas anticipé ce genre d’épidémie ?
Pourquoi n’a-t-on pas assez d’appareils respiratoires ? Pourquoi n’a-t-on pas assez de masques de protection ? Et, surtout, pourquoi diable faut-il aller les chercher en Chine ? Pourquoi est-on incapable d’en fabriquer nous-mêmes en France ou en Europe ?
Pourquoi n’a-t-on pas testé la population comme en Allemagne ?
Pourquoi ne pas dire la vérité aux Français toujours et partout, en l’occurrence, pourquoi ne dit-on pas, d’emblée, aux Français qu’on en a pour deux mois au moins de confinement et de blocage de l’économie ?
Pourquoi l’Europe est-elle si inefficace dans la gestion de la crise ?
Comment va-t-on sortir du confinement ?
Comment nos dirigeants vont-ils se comporter quand ce sera fini ?
Comment allons-nous pouvoir vivre comme avant ?
Comment en est-on arrivé à obéir au doigt et à l’œil aux fanatiques de la croissance ?
Comment va-t-on faire pour ne pas oublier en une semaine ou deux les leçons de cette pandémie ?
Comment les publicitaires vont-ils s’y prendre pour continuer à nous convaincre d’acheter des tas de trucs dont nous n’avons pas vraiment besoin pour bien vivre ?
Comment va tata Paulette ?
Comment les gouvernements font-ils pour ignorer systématiquement ce que subissent et comment régissent les pays voisins confrontés plus tôt à l’épidémie ?
Comment est-il possible que, malgré la « merveilleuse » mondialisation, règnent sur la Terre un tel désordre et une telle désorganisation ?
Comment va la civilisation ?
Comment ça va dans nos têtes, vraiment ?
Comment ?  Vous n’allez pas changer de vie ?!   Mais enfin, pourquoi ?? ! !

Kynos

Chroniques d’une pandémie 3

   Les jours s’égrènent et passent… Les heures se creusent d’instants de plus en plus élastiques et béants. On se confine, on raffine, on s’affine, on se débine en imagination… Chacun se débrouille comme il veut, comme il peut… avec les moyens du bord dans un vaisseau immobile… Hier soir, las d’écrire, content d’avoir lu, mais voulant me changer les idées, sans être distrait de la tragédie que nous vivons, j’ai décidé d’aller chercher du discours important, essentiel, philosophiquement , s’entend. Je me suis rappelé que, dans les années 1918, l’humanité avait commis une guerre désastreuse et inutile et subi une pandémie qui ne l’était pas moins. J’ai donc cherché sur YouTube et je suis tombé sur une conférence de Frédéric Keck, historien de la philosophie et anthropologue, enregistrée en décembre 2018. Un conseil, allez-y vous aussi, vous allez voir et entendre ce que nous aurions dû savoir depuis un siècle. La grippe espagnole fut désastreuse (50 millions de morts en 2 ans) et, alors qu’elle aurait dû nous servir de leçon, inutile.
Pourquoi inutile ? Parce que, petits mecs et nanas prétentieux, on a cru qu’on maîtrisait tout et qu’on était au-dessus de tous ces animaux qui nous gênent aux entournures dans nos activités. « Chers congénères, la science et la technologie nous permettront de nous débarrasser des nuisibles, d’éradiquer les maladies et d’assurer à tous la sécurité à 100% dans le bonheur de la consommation à outrance. » Foutaise, mes zigues ! Le covid19 fait le vide, là où il lui plaît de voyager à bord de nous autres, qui nous croyons les maîtres du monde. Nous ne sommes les maîtres de rien du tout et surtout pas de notre pensée, d’ailleurs, qui, au final, malgré tous les « essais » – souvent très intéressants – mais qui ne valent pas un pet de lapin aux yeux de nos dirigeants et autres technocrates, écocrates et et généraux d’industrie, sourds à toute raison raisonnable, taraudés qu’ils sont par le mal des ardents cumulateurs et la danse de Saint-Gui du « toujours plus et après nous le déluge »… Non mais cela suffit, peut-être ?
L’illustration la plus ironique et la plus tragique de cette surdité et de cet aveuglement n’est-elle pas l’indifférence de nos gouvernants à l’égard du monde hospitalier, médical et paramédical qui réclame depuis des décennies des moyens d’action, un revalorisation de certaines fonctions, en particulier, celle d’infirmière… (Cela fera l’objet d’un autre discours.) L’état des lieux était flagrant et personne, dans les sphères de l’Etat, n’a rien voulu faire. Aujourd’hui, c’est la catastrophe. Quand les peuples et les nations consacrent leur argent et leur énergie à la guerre et au pur profit financier au lieu de favoriser l’agriculture et la médecine, elles sont promises au déclin. L’homme ne mérite pas la terre qui le porte.

                                                                                         Kynos

Chroniques d’une pandémie 2

Ben, ça alors!

   Cette civilisation qui est la nôtre est si absurde et détestable qu’il faut malheureusement une épidémie de maladie virale pour prouver aux débiles mentaux des hautes sphères de la « communauté internationâle » qui infestent la planète que notre technologie est franchement nuisible à l’air, à l’eau et à la terre. On vient de constater que, paralysée par le virus, la Chine, vue de l’espace, est pure de toute pollution, ô surprise ! ô miracle ! « Fallait vraiment pas être sorti de Saint-Cyr pour subodorer cela, mon p’tit Marcel ! » La conclusion est donc évidente, petits hommes bornés que nous sommes, limitons – Que diable ! – notre activité ! Nous n’avons pas besoin de produire comme des fous des artefacts dont nous n’avons pas vraiment besoin pour vivre. Et ce qui est particulièrement insupportable, c’est la délocalisation à des fins mercantiles : faire voyager les matières premières et les produits finis d’un bout à l’autre des terres immergées en sous-payant ceux qui les extraient, les ressources naturelles, et ceux qui les fabriquent, les objets, est un véritable crime contre la nature et, par conséquent, contre l’humanité – car quand la nature sera détruite, il n’y aura plus d’humanité –  que commettent en toute impunité les grands capitaines du commerce et de l’industrie. Il faudrait les juger et les condamner pour écocide et génocide, ces malfrats.
De même, à notre époque où l’audiovisuel fait des miracles, où l’on peut voir tous les paysages du monde et la vie des animaux de son salon, qu’est-ce que c’est que cette hystérie des gueux qui se croient obligés d’aller dans tous les coins de la terre pour voir s’ils y sont et qui n’en retirent, la plupart du temps, rien, rien d’autre qu’une collection de photos ? Contrairement, à l’adage, les voyages ne forment pas plus la jeunesse que le troisième âge : 90% des péquins qui touristent à tire-larigot reviennent aussi cons qu’avant leur départ… Voyager ? Oui, mais avec de bonnes raisons. Désolé, mais, vu la finitude de la sphère terrestre et la surpopulation générale, on ne peut plus voyager comme au XVIIIe siècle. Voyager ne devrait être possible que si la finalité du voyage le justifie. « Non, Madame Jobard, vous n’irez pas vous dorer l’échine en Indonésie : ce n’est pas un motif recevable !  Restez dans votre jardin. Et puis d’abord, le bronzage n’a rien d’indispensable. C’est pas culturel et votre pronostic vital n’est pas engagé. » Le voyage devrait être réservé aux vrais voyageurs, c’est-à-dire à celles et ceux qui voyagent pour de bonnes raisons : la création d’un permis mondial de voyager (délivré par un conseil de sages) s’impose pour éviter cette frénésie des vols internationaux, polluants et dangereux sur le plan sanitaire, comme le prouve de façon si flagrante la pandémie que nous vivons actuellement.
Mais la bêtise et la vanité de l’homme est si enracinée dans sa condition que rien ne changera – Hélas ! – et qu’il faudra une autre pandémie, plus radicale celle-là, pour décimer l’espèce et rendre l’air plus pur.

                                                                                       Kynos

Chroniques d’une pandémie 1

 L’homme, s’il n’existait pas, faudrait surtout pas l’inventer !

  On est là depuis deux ou trois siècles – depuis les Lumières du XVIIIe siècle et, plus tard, le Scientisme du XIXe – à se flatter, à se vanter, à pavoiser : «  On a quand même inventé la poudre, la télévision, le fil à couper le beurre, le tire-bouchon, l’ordinateur, l’automobile, la couverture chauffante, l’avion, le sous-marin nucléaire, le slip élastique, le vibro-masseur, le scanner, l’éplucheuse à patates et les robots. On est allé sur la Lune, on a conquis toute la Terre, on va, avec notre science, tout découvrir des mystères de la Nature, pour pouvoir la reconstituer quand on l’aura entièrement bousillée, la Nature. On va trouver toutes les solutions, tout résoudre, tout bidouiller, tout rationaliser. Faut rester positif et battant, mon petit François-Xavier, foncer dedans et s’en foutre plein les fouilles par tous les moyens possibles. Le capital vaincra, le marché régulera, le progrès triomphera. La Terre est une ressource formidable qu’il faut exploiter à l’envi. Mais non, Ma’am’ Lebrun, ça va pas s’épuiser, mais non !  Et puis même, d’ici là on sera déjà sur la Lune, d’où on pourra aller coloniser Mars, c’est évident. Nous allons gagner car nous sommes les plus forts, nous les humains, l’espèce élue… »

   Élue par qui ?  Je me le demande ! Longtemps, on s’est cru tellement intelligent, tellement doué, tellement invincible !

   Or, à l’échelle de l’infiniment grand – Pascal le disait déjà au XVIIe siècle – nous ne sommes que poussières. Qu’on se prenne dans la tronche, par exemple, un orage solaire de magnitude normale et il ne restera plus rien de nous !  Et, à l’échelle de l’infiniment petit, nous ne sommes que des proies faciles, le coronavirus qui tente de nous coloniser en est la preuve éclatante !  Cette pandémie – phénomène pourtant récurrent au cours de l’Histoire, mais dont nous n’avons rien appris –  est une révélation. Notre espèce est très fragile parce que notre civilisation est basée sur du terrain mouvant  (mondialisation, numérisation, improvisation). Aussi devrions-nous nous écraser un peu, mollir, faire profil bas, diminuer en morgue et en nombre, sinon c’est la Nature qui s’en chargera. Et encore, ne nous plaignons pas, cette fois-ci :  c’est une petite pandémie que nous avons là ! Une maladie peu létale ! Un exercice d’entraînement ! Un avertissement de l’écosystème ! Je ne suis pas devin, loin de là, mais ce qui nous pend au nez, dans un avenir assez proche, c’est une vraie pandémie dévastatrice et vraiment fatale, celle-là, de style « peste pulmonaire », « grippe espagnole » ou « Ebola » qui nous décimera, paralysera irrémédiablement notre économie mondiale et détruira le château de cartes qu’est notre civilisation post-moderne.

   Si nous avions seulement pris la précaution de penser nos choix de société, de mesurer nos orientations politiques et écologiques, d’agir avec sagesse en évitant les conflits, les massacres, les génocides et les guerres mondiales, mais non, nous avons continué à perpétrer nos exploitations, nos exactions et nos déprédations. Nous sommes aussi frustes, aussi cupides, aussi primitifs, aussi instinctifs et aussi prétentieux qu’en 10000 avant J.-C.. Mais nous avons la technologie en plus, ce qui nous rend vraiment pénibles et dangereux pour les autres espèces et pour la planète tout entière. Elle n’en peut plus, la planète : on lui échauffe les hémisphères et les pôles, à la planète !

   Avoir engrangé du savoir pendant si longtemps et n’avoir rien appris !  Pauvre humanité ! Quelle espèce vaniteuse et lamentable ! Nous méritons ce qui nous arrive !

                                                                                                Kynos

Virus intellectuel

   L’humain est écartelé entre deux infinis :  l’instant et l’éternité. Il veut vivre le moment même avec tout le plaisir dont il est capable et en même temps accéder à une durée qui est, pour chacun de nous, inaccessible. Au cours de son histoire, l’humanité a parfois – trop souvent – sacrifié le futur à l’instant. Pour ce faire, les hommes ont confié l’éternité à Dieu : c’est lui qui la gère et qui nous la confère. Aux hommes de vivre dans le présent pur. Mais, à d’autres moments de l’Histoire, certains ont compris que l’homme ne pouvait pas confier tout le Temps à une divinité et qu’il fallait bien que l’homme se projette lui-même dans l’avenir pour évoluer. Alors, il a inventé l’écriture : c’est par le livre que l’homme a survécu et survit encore à lui-même pour nourrir ses descendants de son savoir et de son expérience.

   Or, aujourd’hui, avides de tout, tout de suite, les hommes que nous sommes avons tout misé sur la rapidité de la transmission des données en ayant recours à des supports numériques au détriment de l’imprimé-papier. La conséquence en est que notre civilisation est aujourd’hui extrêmement vulnérable : il suffirait d’une destruction imprévue des supports numériques de la planète, par une tempête solaire par exemple, pour que disparaissent la plupart des données essentielles au fonctionnement normal de notre monde économique, industriel, social et culturel.

   Lorsque l’imprimerie n’existait pas, c’était le feu qui menaçait les rares manuscrits. Le livre imprimé a au moins l’avantage de résister assez bien au temps, pourvu qu’on s’en occupe un peu. Par contre, que seront devenus nos clés USB, disques durs et autres « hardwares » dans cinq siècles ? La vraie sauvegarde, c’est le signe imprimé sur un support fiable et pérenne. Y a-t-on vraiment songé ?  Ou bien l’aveuglement technocratique est-il si profond que nous vivons dans l’illusion d’une sécurité de nos savoirs ? Il semble bien qu’une partie de notre conscience ait été effacée. En tout cas, notre mémoire le sera si l’on n’y prend garde !

                                                                                                                     Dr Plafond

Le règne des criminels et des imbéciles

   Au fil des millénaires, l’homme a cherché la vérité, la solution, la clé de l’énigme, l’aleph… Il est apparu assez vite que l’objectif ne serait jamais atteint : il n’y aura ni vérité absolue, ni perfection, ni sécurité intégrale, ni vie éternelle. Cependant, malgré la sagesse contenue dans certaines œuvres philosophiques, malgré la conscience que beaucoup ont du péril que nous fait courir notre civilisation libérale et technicienne, rationnelle et cupide, les discours des pouvoirs en place nous abreuvent d’une litanie de poncifs, de formules creuses et de morceaux choisis de langue de bois : mondialisation, progrès, croissance, marché, bonheur, robotisation miracle… La liste est loin d’être close… Or, si l’on se penche sérieusement sur l’histoire de l’humanité, il apparaît  assez clairement que les quelques progrès réels qu’a permis la science ont été largement contrebalancés par des régressions elles aussi bien réelles, dont la pollution et le réchauffement ne sont que des exemples flagrants. Mais surtout, quoi qu’on en dise en se fondant sur le développement des médias qui favoriseraient la « communication » et nous rendraient plus intelligents, plus humains, l’homme, au fond, n’a pas changé : toujours aussi ignorant globalement, toujours aveuglé par les passions, toujours aussi cupide, toujours aussi vaniteux, toujours aussi belliqueux, toujours aussi crédule et prompt à se réfugier dans la croyance et à s’abandonner au fanatisme dans l’irrationnel ou dans le politique…

   Non, l’homme n’a absolument pas changé…. Et les puissances régnantes, qu’elles soient économiques, sociales, politiques ou religieuses entretiennent le mensonge rhétorique tout en maintenant les masses populaires dans une aliénation qui n’est qu’une autre forme « moderne » de la coercition médiévale ou de l’oppression du capitalisme industriel du 19ème siècle. Et tout le monde devrait être content parce qu’on a la télévision, une ou deux automobiles, des tablettes et des Smartphones ! La vraie question est la suivante : « A quoi sert d’avoir transformé la planète en « village global » (La formule est de Marshall McLuhan) ? » A rien, sinon à donner la parole à tout le monde, aux bienfaiteurs et aux salauds, aux inventeurs et aux pervers, aux penseurs et aux menteurs, aux artistes et aux idiots, aux cœurs purs et aux criminels, aux génies et aux fous…

   Qui est assez fou justement pour croire que ce gigantesque coassement nous rend meilleurs ! Il ne fait que consacrer l’infâme principe du tout-se-vaut dans l’immense troupeau de moutons où se régalent les loups… En attendant les vrais progrès, des hommes continuent à mourir de faim, de misère et de violence… Les autres survivent dans la soumission, la résignation et la frustration… Quel progrès !

Blâme du bricolage

La société qui est la nôtre – mondiale et régie par le marché – se caractérise par son matérialisme outrancier : tout y incite à acheter, accumuler, construire, restaurer, consommer. Le citoyen lambda d’aujourd’hui se trouve, par la force des déterminismes économiques qui le contraignent, confronté, à un moment où à un autre de son existence, au problème du bricolage.
Il est toujours extrêmement aisé de faire les choses par soi-même sans trop de mesure ou sans trop de précaution en se disant « On verra bien après… On rebouchera… On réparera. » ; mais cela n’est pas sans conséquences : d’abord, cela prend plus de temps que prévu ; ensuite, cela augmente les coûts de la réalisation totale ; enfin, on n’est jamais certain de pouvoir obtenir au final l’apparence et la qualité initiale. De tout cela, il faut être conscient et répondre. Souvent, l’expérience enseigne que tout casser pour refaire à neuf n’est pas toujours la meilleure des solutions, mais aussi que casser un peu au passage par manque de vigilance pour rafistoler après n’est jamais la bonne solution pour les trois raisons invoquées plus haut.
Il y a beaucoup à dire sur l’expérience du travail sur la matière, la confrontation au matériau. Transfiguré par la révélation prométhéenne, l’homme est devenu ce transformateur de matière, ce fabricant d’objets, cet artefacteur destructeur des milieux naturels. Le bricolage participe de ce saccage de la nature, d’autant qu’il est le produit d’une véritable industrie. Et puis, le travail de la matière est, pour un homme d’esprit, source de frustration, d’agacement, de soucis en tout genre. En effet, la matière est rétive, souvent imprévisible, difficile à travailler, pas toujours malléable, modulable : soit elle résiste par sa cohésion, soit elle s’effrite, soit elle se déforme… Il y faut, dans cet acte de transformation, de modelage, de la force et de l’exactitude, mais aussi quelque chose qui ressemble à l’acharnement et à l’abnégation… Pourtant, même avec ses qualités préalables, rien n’est gagné : la matière ne se plie pas à nos exigences. D’aucuns y voient alors un défi à relever, la satisfaction du travail bien fait; d’autres un asservissement, une allégeance au matérialisme dogmatique.
Ce n’est peut-être pas un hasard si, sous l’Ancien Régime, les aristocrates méprisaient le travail manuel et le laissaient à d’autres : c’est que le travail manuel est – quoi qu’on en dise – tout de même plus proche de l’animalité que de la spiritualité. Beaucoup d’animaux construisent, modifient la matière ; aucun – jusqu’à plus ample informé – ne produit d’ouvrage de la pensée. C’est par la création intellectuelle que l’homme se distingue de la fourmi, du castor ou du chimpanzé.
En aucun cas il ne faudrait en conclure que le travailleur manuel est un animal – ce serait un crime contre la rationalité humaniste et une inconcevable absurdité ! -, mais il n’est pas tolérable non plus qu’on anathématise – comme on le fait trop souvent – l’intellectuel au nom d’un impératif métaphysique absurde qui serait que l’homme, étant faber, il doit bricoler : il est aussi sapiens, que diable ! Bricoler, moi ? Comme Herman Melville faisait dire à Bartleby : « Je préférerais ne pas… ».

© André-Pierre Meunier, Y a-t-il matière à… ? Les chausse-trapes du matérialisme – Ed. Elodie Brisé – 2008
(Publié avec l’autorisation de l’auteur)